Les Jeux Olympiques de Vancouver fournissent aux équipes (très) créatives du New York Times en ligne l'occasion de se surpasser dans l'exploitation intelligente du rich media.
- la vidéo
- la photo
- l'animation électronique
- le son
- le texte.
Chacun de ces modes d'expression joue un rôle précis dans une séquence de 2 minutes 36 secondes.
Retour magistral aux sources de l'image moderne
Issue du cinéma qui ne devrait être dévolu qu'à la seule restitution du mouvement - car kiné racine de cinéma et move, racine de movie = mouvement - la vidéo sert à indiquer la vitesse d'exécution des figures chorégraphiques. L'internaute se retrouve provisoirement dans la configuration désormais banalisée du spectacle télévisuel.
Mais très vite, et par un admirable retour aux sources de l'imagerie moderne, l'équipe du New York Times (1) réactive les découvertes d'Etienne-Jules Marey et d'Eadweard Muybridge pour décomposer certaines évolutions de la danseuse.
L'image fixe (photographie ou image vidéo gelée, peu importe) est alors convoquée pour montrer un détail important dans les attitudes millimétrées de la jeune femme.
Rien de plus naturel, à l'ère de Photoshop, que de transformer une prise de vue en une image un peu plus conceptuelle.
C'est une manipulation mais une manipulation positive puisqu'elle concilie le didactisme et l'éthique.
Kim Yu- Na a été transformée en silhouette noire parce que c'était le meilleur moyen de montrer, par un segment jaune, l'inclinaison de ses épaules.
Une animation électronique remplace une caméra
Exploitation en troisième lieu et pour ainsi dire dans le même "film" de l'animation électronique dans deux circonstances particulières.
Reconstituer d'abord un départ de saut qui n'était sans doute pas parfaitement compréhensible en vidéo.
Amener ensuite les infonautes à un point de vue de plongée verticale qui n'était pas assumé par une caméra.
Dans les oeuvres de fiction, cette instance de vision sert le plus souvent à rappeler au spectateur le caractère non réaliste de ce qu'il est en train de regarder.
(C'est devenu une coquetterie de réalisateur en mal d'inspiration, notammernt quand il s'agit de montrer un couple en train de copuler du "point de vue" d'une mouche au plafond).
Dans le cas qui nous intéresse, ce point de vue est nécessaire pour assimiler le jeu d'équilibre entre les bras et une des jambes de la danseuse.
Le fait qu'une ombre sur la glace ait été ajoutée à cette scène reconstituée suggère, non pas un souci de réalisme puisque l'ombre n'existe pas dans les autres images, mais une volonté esthétisante de souligner, en la doublant en quelque sorte, la grâce et la rationalité de la posture.
Un texte minimaliste et une bande son de commentaires parfaitement ajustés complètent un dispositif exemplaire, auquel il ne manque que l'interactivité.
Outre le fait qu'il permet à l'internaute d'entrer dans les détails décisifs d'un processus complexe - principale vertu du rich media - le travail des équipes du New York Times en ligne est remarquablement fluide: l'oeil-cerveau n'est nullement dérangé par le passage de la vidéo à la photo et de la photo à l'animation électronique.
Cette fluidité est au seul service de l'entendement, compréhension spontanée, globale et intime des évènements.
Autres séquences, moins convaincantes, sur le site du New York Times:
Le ski acrobatique
Le snowboard
1) Haeyoun Park, Xaquin G.V., Archie Tse, Joe Ward sur des vidéos de Sportvision Dartfish en compétition, de Adam B. Ellick pour les séances d'entraînement et des photographies de Chang W.Lee.